Une croissance constante de la masse monétaire, ni trop rapide ni trop lente, figure au cœur d’un principe formulé dès les années 1960. Milton Friedman avance qu’un accroissement modéré de la monnaie suffit à garantir la stabilité des prix à long terme, à l’opposé des interventions discrétionnaires fréquentes des banques centrales.La « règle d’or » de Friedman s’oppose ainsi aux politiques monétaires actives, privilégiant une trajectoire prévisible de la base monétaire. Ce postulat a suscité débats et adaptations, marquant un tournant dans la compréhension de la relation entre création monétaire et inflation.
Plan de l'article
Comprendre le monétarisme : origines et principes fondamentaux
Le monétarisme s’appuie sur un principe direct : c’est la quantité de monnaie en circulation qui façonne, sur la durée, le niveau des prix. Dans les années 1960, Milton Friedman remet en lumière la théorie quantitative de la monnaie, héritée des classiques mais réinterprétée à Chicago. Il s’oppose frontalement aux politiques d’intervention monétaire qui faisaient alors figure de dogme.
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Au centre de cette doctrine, la masse monétaire tient le premier rôle. Selon Friedman, quand la quantité de monnaie évolue, les prix suivent, presque mécaniquement, à long terme. Pour lui, l’inflation s’explique d’abord par le phénomène monétaire. Ce point de vue rompt avec la perspective keynésienne, centrée sur la gestion de la demande globale.
La vitesse de circulation de la monnaie, longtemps laissée dans l’ombre, redevient un concept clé avec Friedman. Si cette vitesse reste stable, la variation de la masse monétaire se répercute directement sur l’économie. La logique est tranchée : maîtriser la création monétaire équivaut à garder la main sur l’inflation.
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Voici deux repères essentiels pour saisir l’architecture du monétarisme :
- Théorie quantitative de la monnaie : MV = PT, où la masse monétaire (M) multipliée par la vitesse de circulation (V) équivaut au niveau des prix (P) multiplié par le volume des transactions (T).
- Université de Chicago : foyer intellectuel du monétarisme, laboratoire d’idées où Friedman forge sa critique de la gestion discrétionnaire des banques centrales.
En s’écartant des certitudes d’après-guerre, la pensée monétariste place la quantité de monnaie au centre des équilibres macroéconomiques. Ce cadre analytique, bâti avec méthode, continue de nourrir les discussions sur la politique monétaire, des décennies après sa formulation.
En quoi consiste la règle d’or de Friedman dans la politique monétaire ?
La règle d’or de Friedman propose un changement radical face à l’arbitraire des interventions monétaires. Elle impose une croissance régulière et prévisible de la masse monétaire, en adéquation avec le potentiel de l’économie réelle. Friedman met en avant une idée limpide : il faut tourner le dos aux ajustements improvisés des taux directeurs pour sortir l’économie de l’instabilité.
Dans ce schéma, la banque centrale abandonne la navigation à vue. Elle s’en tient à une augmentation annuelle et fixe de l’offre de monnaie, en phase avec l’anticipation du revenu permanent ou de la croissance du PIB. L’idée est claire : la création monétaire ne doit plus servir à piloter l’économie à court terme, mais à instaurer la stabilité.
Pour mieux cerner ce principe, voici un tableau synthétique :
Variable | Règle d’or de Friedman |
---|---|
Masse monétaire | Croissance annuelle constante |
Décisions de la banque centrale | Automatisées, non discrétionnaires |
Taux d’intérêt | Non ciblés de façon active |
Cette conception de la politique monétaire vise à écarter toute influence politique ou humaine sur la création monétaire. Friedman s’oppose fermement aux tentatives d’employer la monnaie pour réduire durablement le taux de chômage naturel. Selon lui, vouloir stimuler l’économie uniquement par la création monétaire déclenche, tôt ou tard, une envolée des prix. La discipline et la prévisibilité s’imposent comme les meilleures garantes de la stabilité, loin de l’improvisation et des coups de barre passagers.
La relation entre la masse monétaire et l’inflation : analyses et débats
Depuis les recherches de Friedman, le lien entre masse monétaire et inflation alimente inlassablement les débats économiques. Pour l’école de Chicago, toute hausse durable de la masse monétaire finit par tirer les prix vers le haut. La célèbre formule de Friedman, « l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire », s’est imposée comme un marqueur, mais ne fait pas l’unanimité.
La théorie quantitative de la monnaie attribue à la quantité de monnaie en circulation un rôle moteur dans la dynamique des prix. Si l’offre de biens stagne alors que la masse monétaire augmente, les prix devraient logiquement grimper. Mais la réalité s’avère plus complexe. Dans les années 1970, l’envolée parallèle de la masse monétaire et de l’inflation semblait valider l’approche monétariste. Pourtant, dans les années 2000, une forte croissance monétaire coexiste parfois avec une inflation modérée, remettant en cause la rigidité du schéma.
Points de friction
Pour mieux comprendre les enjeux, voici quelques aspects qui nourrissent la controverse :
- Le comportement des agents économiques : anticipation, choix d’épargne et vitesse de circulation modifient la transmission de la politique monétaire.
- Les stratégies non conventionnelles des banques centrales posent de nouvelles questions sur l’efficacité du canal monétaire.
- La persistance de taux d’intérêt très bas ne déclenche pas nécessairement d’inflation malgré l’augmentation de la masse monétaire.
L’expérience internationale, diverse et mouvante, alimente ces débats. Les tenants du monétarisme voient toujours dans la croissance de la masse monétaire le principal déclencheur des hausses de prix. D’autres approches pointent la nécessité de nuancer, en tenant compte des spécificités locales et des facteurs de fond, parfois indépendants de la création monétaire.
Quels enseignements pour les politiques économiques contemporaines ?
Aujourd’hui, la politique monétaire se réinvente face à des défis inédits. Les banques centrales surveillent en permanence la stabilité des prix et réajustent leur posture. Même si la règle d’or de Friedman continue d’inspirer, les paramètres ont changé. La création monétaire ne se limite plus à la gestion d’un simple flux de liquidités.
Depuis la crise de 2008, les outils de politique monétaire non conventionnelle se sont multipliés : rachats d’actifs à grande échelle, taux voisins de zéro, interventions sur le marché interbancaire. Dans la zone euro, la coordination entre politiques monétaire et budgétaire devient incontournable, chaque pays cherchant à conjuguer croissance économique et discipline.
La période récente met à l’épreuve la robustesse de la règle de Friedman. La croissance de la masse monétaire n’entraîne pas systématiquement une flambée des prix. Le lien avec la croissance économique s’estompe, influencé par la confiance, l’innovation ou les tensions géopolitiques. Les signaux deviennent ambigus, forçant les banques centrales à naviguer dans l’incertitude.
Quelques exemples illustrent cette complexité :
- La zone euro traverse une période paradoxale : expansion monétaire soutenue, inflation modérée, croissance poussive et disparités persistantes entre pays membres.
- Le système monétaire international doit composer avec des chocs externes et une accélération des mutations technologiques qui brouillent les repères classiques.
Les discussions se poursuivent : certains continuent de défendre la simplicité d’une règle fixe, d’autres plaident pour une capacité d’adaptation face à l’imprévisibilité des cycles. La politique monétaire s’ouvre désormais à d’autres horizons : défis sociaux, transitions écologiques, gestion des équilibres mondiaux. Dans ce nouvel écosystème, la règle d’or de Friedman reste une référence, mais le pilotage de la monnaie se joue désormais à plusieurs voix, sur une partition toujours plus complexe.